Revue Porte Ouverte

50 ans d'implication

Par Manon Savard,
Agente aux programmes et aux communications de l'ASRSQ

Maturité de la cinquantaine et dynamisme de jeune première

L'Association des services de réhabilitation sociale du Québec s'est constituée en 1962 permettant ainsi la naissance d'un réseau puissant et incontournable en ce qui a trait à la réinsertion sociale des contrevenants au Québec. L'ASRSQ démontre encore à ce jour une telle vivacité, malgré l'accumulation de ses 50 années d'existence, qu'on croirait qu'elle est toujours à l'aube de ses vingt ans. C'est au cours de son histoire que l'Association a su solidifier ses fondations et ce, par l'intelligence de ses actions et surtout par l'ardeur de ses engagements.

Naissance d'une association

La création de l'ASRSQ, on le sait, fait suite aux recommandations formulées par le comité Fauteux. Ce dernier envisageait un rôle important des organismes communautaires alors existants dans le système de justice pénale et recommandait que ces organismes soient assujettis à des exigences minimales concernant les services qu'ils offraient. À l'initiative de la Société d'orientation et de réhabilitation sociale (SORS), une invitation est lancée « aux agences spécialisées et aux services diocésains ayant une expérience d'intervention auprès des délinquants afin de créer une association provinciale1. » La Société John Howard du Québec, le Service de réadaptation sociale et la Catholic Family Rehabilitation Services répondront à cette sollicitation et, après quelques rencontres, accepteront volontiers de conjuguer leurs efforts.Les objectifs alors visés par cette association embryonnaire sont encore sensiblement les mêmes que ceux poursuivis par l'ASRSQ devenue quinquagénaire et qui pourraient se résumer à appuyer ses membres dans leur mandat de réinsertion sociale des personnes judiciarisées. Même si l'ASRSQ n'a pu se doter d'un secrétariat permanent qu'en 1978, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est activement investie depuis sa création.

Par l'entremise des membres du conseil d'administration, l'Association a pleinement joué son rôle de représentation auprès des différents paliers de gouvernement, notamment en produisant des rapports, des mémoires et des recherches afin de faire connaître son point de vue en matière de réhabilitation sociale.

C'est aussi lors des années 1970 que l'Association a dû revoir la composition de son membership. En effet, jusqu'alors, essentiellement constitué d'agences sociales, le membership s'est vu fortement diminué lorsque celles-ci furent intégrées dans le secteur des organismes parapublics. Sachant s'adapter à la situation et démontrant ainsi son dynamisme en tant qu'organisme, l'Association modifiera le profil de son membership en fonction du marché et recrutera ainsi une grande partie des toutes nouvelles maisons de transition qui apparaissaient alors dans le milieu correctionnel. Celles-ci naissaient, certes pour répondre à la demande du milieu, mais aussi parce que les gouvernements reconnaissaient de plus en plus les bénéfices de la réinsertion sociale des délinquants. Les premières maisons inaugurées furent La Maison Painchaud, à Québec, et la Maison St-Laurent, à Montréal.

Dans les années 1980, un autre fait marqua grandement les actions de l'ASRSQ : les pourparlers qui menèrent à l'entente avec le gouvernement d'un énoncé de principe intitulé Le Partnership. Cette entente permettrait dorénavant aux organismes communautaires d'établir une collaboration avec l'État afin de concevoir des politiques et des orientations générales, la planification des programmes, l'évaluation du fonctionnement et des résultats obtenus. En 2006, la Loi sur le système correctionnel canadien consacrera ce partenariat entre organismes communautaires et institutions publiques. L'ASRSQ, depuis qu'elle existe, défend l'intérêt de ses membres dans différents dossiers touchant la réinsertion sociale et n'a de cesse de s'imposer en tant qu'interlocutrice en matière pénale.

Portrait actuel

L'ASRSQ rassemble maintenant 59 membres et deux regroupements provenant de tous les coins de la province du Québec. Ces membres sont : des centres résidentiels communautaires (CRC), des centres d'hébergement communautaires (CHC), des organismes offrant des services de suivi dans la communauté, en toxicomanie, en alcoolisme, en délinquance sexuelle, en santé mentale et en employabilité. Ce sont aussi des organismes de bénévoles, de défense des droits des détenus, des organismes qui préservent le lien parent-enfant…

Selon une étude exhaustive du portrait du réseau, effectuée en 2009, le réseau emploie plus de 800 personnes et génère une masse salariale de 21 à 30 million de dollars. Il bénéficie de l'aide de plus de 500 bénévoles, entre autres, pour faire fonctionner ses conseils d'administration. Et ceux-ci donnent plus de 300 heures de leur temps au réseau. Ces organismes, ces gens, travaillent pour desservir près de 35 000 personnes.

L'ampleur du réseau de l'ASRSQ constitue une force pour l'Association en lui permettant de se poser en interlocuteur politique représentatif et crédible du milieu de la réinsertion sociale. Mais la vaste étendue du réseau et les nombreux domaines dans lesquels il se déploie pourraient tout aussi bien représenter des embûches à sa mobilisation si son réseau communicationnel n'avait été si bien établi.

L'information, la communication et la liaison entre les membres, les partenaires et la clientèle de l'ASRSQ se fait notamment via le site internet de l'ASRSQ et grâce à un secrétariat dynamique guidé par M. Patrick Altimas, directeur général, stratégique et investi par la question de la réinsertion sociale. L'Association peut aussi bénéficier de l'implication fidèle de son conseil d'administration dont la présidence est tenue efficacement, et depuis plusieurs années, par Mme Josée Rioux, directrice générale du Regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle (RIMAS).

Outre son rôle d'informatrice, l'ASRSQ se doit aussi de représenter et de négocier pour ses membres auprès de ses partenaires. L'Association doit aussi se soucier de la formation de son membership. À cet égard, plus d'une vingtaine de formations différentes sont offertes aux membres chaque année. Finalement, l'ASRSQ a aussi pour fonction de faire de la recherche et de l'analyse. En faisant le retour sur les derniers mois, nous pouvons constater que ce rôle est pleinement réalisé grâce à l'apport de collaborateurs. Nous pouvons lire, sur le site internet www. asrsq.ca, le mémoire concernant les impacts de l'adoption du projet de loi C-10 et le mémoire sur le projet de loi C-23 tous deux rédigés par un actif et brillant collaborateur, M. François Bérard, criminologue et responsable du comité politique de l'ASRSQ. Nous pouvons aussi consulter le mémoire intitulé « Impacts du casier judiciaire : Un fardeau à supporter collectivement », écrit par M. Jean Claude Bernheim, criminologue reconnu pour son expertise en matière de droits des détenus.

Avenir du réseau

Les prochaines années amèneront de nouveaux défis pour le milieu de la réinsertion. Les orientations récentes du gouvernement du Canada en matière de justice pénale risquent fort de provoquer une augmentation considérable du recours à l'incarcération, tant au niveau fédéral que provincial. Cela signifiera potentiellement que plus de personnes auront besoin de services et d'accompagnement par rapport à leur réinsertion sociale. L'immigration importante des dernières années aura aussi un impact de plus en plus marqué sur le réseau en y amenant des délinquants issus d'autres communautés culturelles que celles que l'on qualifie habituellement de traditionnelles. De plus, les problèmes de santé mentale et le vieillissement de la population des délinquants pousseront le réseau à devoir adapter leurs services en fonction de ces nouvelles demandes.

L'avenir, quoique encore incertain, posera des défis majeurs au réseau communautaire et il est à prévoir que l'ASRSQ, outillée comme elle l'est, saura certainement affronter avec vitalité les changements qui se profilent. Mature et dynamique, forte, bien structurée, crédible et constituée de membres actifs en plus d'être aidée par des bénévoles impliqués qui, outre leur grande générosité, possèdent d'éminentes qualités intellectuelles, cette grande entité qu'est l'ASRSQ, s'activera encore longtemps c'est certain, auprès de cette clientèle marginalisée que sont les personnes judiciarisées.


1 HUBERT, Daniel. Le risque du communautaire – Éléments d'histoire de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, 1992, p.17.