Revue Porte Ouverte

L’Art et la réintégration sociale et communautaire

Par Daniel Lamoureux,
Co-fondateur de Galerie Maximum

Une galerie virtuelle consacrée à l’art carcéral

Il était une fois…

L’aventure commence à l’hiver 1980. Elle s’étendra sur huit années, soit jusqu’à l’automne 1988, essentiellement au Québec. Elle impliquera des dizaines de bénévoles, des peintres, des sculpteurs, des comédiens, des musiciens, des auteurs, des poètes, la plupart étant ou ayant été détenus. À leur art on attribuera dès lors le qualificatif «carcéral»: cet hiver-là le concept d’art carcéral naît au Québec. Il ouvrira une fenêtre sur la prison, une Vue du dedans qui surprendra des milliers de Québécoises et de Québécois. Car il s’agit bien, on l’aura deviné, d’un projet autant social qu’artistique.

Extrait de Vue du dedans, L’art en prison, (1981)
(…) Aujourd'hui, comme hier et comme demain, plus de quatre Québécois ont fait leur entrée en prison, menottes aux poignets, chaînes aux chevilles. Âgés de 16 à 80 ans, hommes ou femmes, ils entrent dans le silence et l'oubli. La prison est un lieu sacré, où le passant ne peut mettre le nez à la fenêtre, ou encore frapper à la porte et demander à visiter les lieux. La prison est un monde fermé, un univers clos, animé par ses lois propres, nourri de sa tradition, sa culture, ses luttes, ses espoirs. Par définition la prison est aussi un lieu d'aliénation, d'oppression, et de répression. Entre ces murs de béton et d'acier, derrière ces tours et ces barbelés, plus de 4000 hommes et femmes vivent quotidiennement, jour après jour, semaine après semaine, année après année. Le temps ne leur appartient plus, le temps s'étire et s'étiole à travers les barreaux glacés, dans un décor fade et perpétuel. Et ces gens-là vieillissent et se fanent, immobiles derrière la porte cadenassée de la cellule. Et ces gens-là rêvent, comme rêvent à leurs enfants tous les parents qui en sont séparés, ils rêvent à la vie, au rire, à l'herbe et au ruisseau.
Parfois l'un d'eux se munit d'un pinceau ou d'un crayon, et avec d'infinies hésitations, et combien d'humilité, il couche sur la toile ou le papier le rêve qui occupe ses pensées, la femme de sa souvenance, la fleur qu'il ne peut offrir à sa mère, le personnage botté, sanglé, casqué qui le guette. Il faut entendre le cri qui jaillit de ces gorges étranglées; il faut voir et sentir le pinceau éclabousser la toile d'images fantasmatiques; il faut rêver des rêves que fredonnent ces poètes enchaînés. L'art en prison est bien autre chose qu'un passe-temps ou une source de revenus : c'est le glaïeul qui fleurit sur le fumier, c'est l'immortelle qui défie la forêt de béton et d'acier. L'art en prison, c'est la vie.

C’était donc le 11 février 1980, à 20 heures rue Isabella, chez Andrée Lachapelle. Il y avait là, outre l’hôtesse, Marie Boissonnault, Ginette Potvin, Michel Brière, Raymond Goyer, Daniel Lamoureux et Alexandre Zelkine. Ce soir-là fut conçu le Mouvement pour la diffusion des arts carcéraux du Québec (MDACQ), qui naquit officiellement le 2 mai suivant et fut enregistré à Québec le 9 juin 1980. Sa mission, tant sociale que culturelle, s’articulait sur trois plans :

  • Contribuer à stimuler la créativité artistique chez les détenu(es) et les ex-détenu(es); 
  • Contribuer à la diffusion d’œuvres littéraires, musicales, picturales, photographiques ou audiovisuelles traitant de la prison, des prisonniers, ou de matières connexes;
  • Contribuer à la diffusion de productions littéraires ou artistiques de détenus(es) ou d’ex-détenu(es).

Sur les huit années suivantes ce mouvement allait : 

  • Réaliser dans les principales villes du Québec plusieurs centaines d’événements qui se déclinent en termes d’expositions (solos ou collectives), de sculptures, de peintures, d’œuvres d’artisanat, de photographies, de spectacles de musique ou de chansons ou de théâtre ou de poésie, de lancements de livres, de conférences, de présentation de vidéos ou de diaporamas, de coordination de plusieurs éditions de la Semaine du prisonnier et l’organisation d’un bon nombre de leurs activités respectives.  
  • Se doter d’une bannière exceptionnelle en la Galerie Maximum, modeste local situé au 123 ouest, avenue du Mont-Royal, à Montréal, qui deviendra au fil des ans le lieu de rendez-vous des groupes et individus intéressés par l’art carcéral.
  • Mettre sur pied le groupe Évasion, constitué principalement de Sylvie Painchaud et de Réjean Bébé Ferland, qui allaient ponctuer la tournée de nombreuses villes du Québec de leurs prestations énergiques et touchantes.
  • Participer à de nombreuses conférences de presse, émissions de radio ou de télévision, reportages et articles parus dans des journaux ou des revues.
  • Encourager de manière tangible la productions d’œuvres d’art chez les artistes suivants, notamment via leur exposition publique : Yvon Auclair, Rolland Berthiaume, Bill Bickerkike, Marcel Blanchette, Jean-Mario Cédilotte, Louis-Philippe Chamberland, Normand Champagne, Alain Champoux, André Côté, Florent Cousineau, Marcel Crevier, François De Lucy, Abdellatif Derkaoui, Louyse Doucet, Pierre-A. Dupuis, Martine Fourcand, Chin Kon Fong, Jean-Louis Lapierre, Jean Le Breton, Guy Lépine, Donald Milliard, William Papier, PDG (Pedneault, Desautels, Gaudreau), Miguel Angel Polanco, Lise Rose, Yvon Roy, Michel Soly, Marcel Soucy, Yves Thrace, Jacques Tourigny, René Tremblay, Maxime Uomobono, Armand Vaillancourt, Mario Viboux, Chu Hong Wai. 

Les années 80

Ces événements remarquables s’inscrivent dans le cadre d’une décennie d’effervescence à la fois culturelle et politique, qui vit s’épanouir un Québec ouvert sur le monde et fort de ses racines identitaires, fier de sa jeunesse et confiant en son devenir économique. Les causes du sabordage de la Galerie Maximum en 1988 sont bien sûr liées aux conséquences du krach d’octobre 1987 et à l’austérité qui s’ensuivit au Canada, mais surtout au sentiment de lassitude des piliers du MDACQ, qui entreprirent dès lors des carrières personnalisées.

Quelque trente-cinq ans plus tard, une modeste équipe constituée des pionnières et pionniers de l’édition initiale de la Galerie Maximum relancent bénévolement le projet, un projet de galerie virtuelle cette fois, sans limite de langue, d’espace, de main-d’œuvre, de durée.    

Dans cette perspective un site web bilingue est créé en juin 2015. On y (re)découvre la Galerie Maximum de la première décennie, et une toute nouvelle Galerie Maximum virtuelle, en voie d’actualisation sous réserve de financement public ou privé.   

Extrait du site web de la Galerie Maximum virtuelle    

Politique d’exposition   

Frais
Aucun frais ne sera imputé à l'auteur pour :

  • Photographie ou photocopie ou numérisation de son ou de ses œuvres;  
  • Traitement informatique de ces reproductions;  
  • Transport ou transfert ou communication de ces reproductions;  
  • Affichage de ces reproductions sur le site de la Galerie Maximum;  
  • Promotion de l'exposition; 
  • Communication intégrale à l'auteur des commentaires reçus de la part d'amateur.

Vente 

Aucune commission sur la vente éventuelle d'une œuvre d'art carcéral ou sur l'usage de sa reproduction ne sera versée à la GALERIE MAXIMUM, ni par l'auteur ni par l'acheteur, une telle transaction étant de nature privée, y compris en ce qui a trait au choix de la devise et au respect des lois fiscales afférentes. De même, l'affichage d'une œuvre sur le présent site ne confère à la GALERIE MAXIMUM aucun droit d'auteur à son égard. Il va de soi que l’actualisation de ce projet reste conditionnelle à son financement, si minime soit-il, par un bailleur de fonds gouvernemental ou privé.  

On peut joindre dès maintenant la Galerie Maximum en s’adressant à Daniel Lamoureux par courriel : galeriemaximum@hotmail.ca via la poste : casier postal 49, Saint-Sauveur, QC, J0R 1R0, Canada.