Revue Porte Ouverte

Employabilité et réinsertion sociale

Par Jean-François Cusson,
ASRSQ

Un homme de coeur

Le 12 juin dernier, lors de l’assemblée générale annuelle du Centre Femmes aux 3A de Québec, André Blouin était honoré pour ses vingt ans d’implication bénévole sur le conseil d’administration de l’organisme. « À ma grande surprise, note-t-il, j’ai été le premier bénéficiaire du programme de reconnaissance que nous venions tout juste de mettre en place. Vingt ans d’implication et j’ai l’impression que ça vient tout juste de commencer !»

À son arrivée, André Blouin ignorait ce que cette implication représentait. «Du bénévolat, j’en avais fait un peu, mais pas au niveau administratif. Même si tous les administrateurs avaient une petite idée de leur rôle, mon premier mandat a consisté à aller chercher de l’information sur le sujet. Ainsi, j’ai pu monter un cahier de charges pour le conseil d’administration ».

Pendant ces années, il a principalement occupé le poste de secrétaire, mais aussi celui de présidente! Étant un centre pour femmes, le conseil d’administration a choisi de féminiser les règlements généraux de l’organisme. « J’ai toujours refusé la présidence de l’organisme parce que je considère que ce n’est pas la place d’un homme d’être à la tête d’un organisme pour les femmes. Il est beaucoup plus facile, pour une femme, de représenter d’autres femmes et de comprendre ce qu’elles vivent. Toutefois, un concours de circonstances a fait que j’ai occupé ce poste - avec grand plaisir - pour une courte période alors que le centre célébrait son 20e anniversaire. J’ai alors senti une grande confiance des membres et des employés. »

S’il a bien aimé cette expérience, c’est avec une certaine fierté qu’il a occupé pendant de nombreuses années la fonction de secrétaire. « Historiquement, le rôle de secrétaire a été longtemps associé aux femmes. Eh bien au Centre Femmes aux 3A, j’ai occupé ce poste pendant près de vingt ans. Et aujourd’hui, c’est un autre homme qui l’occupe.» Tout récemment, il a cependant dû y renoncer. « Il s’agit d’un rôle très stratégique au sein du conseil d’administration et le temps me manquait de plus en plus. Plutôt que de faire les choses à moitié, j’ai préféré laisser la place à un autre ». Il occupe maintenant le poste de trésorier, une autre fonction stratégique.

Décidément, André Blouin n’est pas à la veille de réduire son implication bénévole. « J’étais prédestiné à faire du bénévolat. J’en faisais déjà avant de commencer au centre. » En plus du conseil d’administration, il a été entraîneur de soccer ; au travail, il s’implique dans un programme d’aide aux employés. « Je suis impliqué dans toutes sortes de choses. Les soirées libres sont plutôt rares. Bien sûr, je m’arrange pour garder du temps pour les loisirs. Tout ça occupe, mais je n’ai pas l’impression d’être un extra-terrestre. Quand je regarde autour de moi, je m’aperçois que les bénévoles sont souvent des gens bien occupés. Ils sont impliqués à plusieurs niveaux tout en prenant soin de ne pas négliger la famille. Ils n’ont pas plus de temps libre que moi, mais lorsque nécessaire, ils réussiront toujours à trouver une soirée pour une activité ou une réunion ».

Pour lui, le bénévolat est une véritable richesse. « Aider les gens procure un sentiment extrêmement satisfaisant. En tant qu’administrateur du Centre Femmes aux 3A, l’assemblée générale annuelle est toujours un moment stimulant parce qu’elle permet de réaliser tout ce qui a été accompli au cours de la dernière année. Constater l’engagement profond des employés et des bénévoles pour une cause qui nous réunit touche profondément. Ça me fascine toujours de voir la grandeur d’âme, la volonté et l’effort des employés, de la direction et des bénévoles . Tous ces gens ont fait en sorte que le centre a grandi et qu’il touche de plus en plus de femmes. Nous avons des gens créatifs qui sont fiers de ce qu’ils font et qui ont à coeur les besoins des personnes qui fréquentent le centre. Ça, c’est toute une source de motivation pour quelqu’un comme moi qui se présente à des réunions de conseil d’administration. Évidemment, il y a parfois des soirées plus difficiles que d’autres, mais j’en ressors toujours avec une grande satisfaction. »

Il n’y a pas de gloire à faire du bénévolat. En bout de ligne, j’aurai donné du temps qui aura servi à des gens.

C’est aussi avec bonheur qu’il se rappelle de la présence de Bernard Landry lors du quinzième anniversaire du centre. « Il était alors vice premier ministre du Québec. Sa visite fut un moment très spécial. Par ses paroles, il a su nous faire vibrer. C’est particulier qu’un homme de cette importance se déplace pour nous témoigner l’importance de notre action. Des moments comme ceux-là, quel bonheur! »

Malgré les joies que fait vivre l’engagement bénévole, il rappelle qu’il y a aussi des moments plus difficiles. « Je me souviens de la période où nous avions perdu la moitié de notre financement. On a vu plusieurs membres du conseil d’administration et plusieurs employés quitter. Aux réunions du conseil, notre première préoccupation consistait à savoir si nous allions être suffisamment nombreux pour tenir la rencontre. Qu’allait-il arriver si le centre ne parvenait pas à boucler son budget? Aurait-il fallu sortir de l’argent de nos poches, faire faillite? Nous maîtrisions mal tous ces détails importants. Ces années ont été difficiles, mais l’entraide a fait la différence et il y a toujours des gens qui ont des idées brillantes qui permettent de surmonter les épreuves. »

Même si visiblement les bénévoles et les employées de Centre Femmes aux 3A apprécient la qualité de son implication, André Blouin affiche une grande humilité. « Il n’y a pas de gloire à faire du bénévolat. En bout de ligne, j’aurai donné du temps qui aura servi à des gens. Après vingt ans de bénévolat, ça fait peur de constater le nombre d’heures que j’ai pu mettre. Mais jusqu’ici, ça n’a jamais été un fardeau. »

Au fil des ans, il a été un témoin privilégié du développement du Centre Femmes aux 3A. « Au début, c’était petit et nous avons eu à surmonter de nombreux défis qui ont mené à la croissance de nos activités ». Il se souvient très bien de la relocalisation du centre qui a permis d’améliorer la qualité des services offerts. « À l’époque, nous étions situés dans un quartier difficile. À proximité, nous retrouvions de la prostitution et de nombreux problèmes liés à la drogue. Le centre était dans un bon endroit pour recruter la clientèle, mais nous voulions offrir un lieu apaisant aux femmes qui le fréquentaient.»

Peu après ce déménagement fort judicieux, le centre a pu réaliser un rêve qui lui était cher depuis longtemps : faire l’acquisition de l’édifice dans lequel il loge. « Le centre est maintenant arrivé à une belle maturité, mais il faut éviter de se complaire dans un confort qui est bien relatif. Il est important de demeurer alerte afin d’éviter de se faire surprendre par des changements qui pourraient survenir. Il faut penser à ce que seront nos besoins dans deux ans, cinq ans et même au-delà. Il faut continuer à offrir à nos employés un climat et des conditions qui vont les inciter à demeurer longtemps avec nous. Nous avons à notre emploi des personnes expertes dans leur domaine et il est important de les reconnaître. Nous ne pouvons pas leur offrir des conditions salariales comme dans le réseau de la santé, par exemple, mais nous pouvons leur donner des défis, de la liberté, de la confiance, du respect et un encadrement de qualité. Tout ça, nous l’avons confirmé dans des documents administratifs. Il y a peu d’organismes qui en ont fait autant. »

Une autre réussite a été d’intégrer une utilisatrice du centre et un représentant du personnel au sein du conseil d’administration. « Cette réalisation, précise-t-il, vient de l’importance d’amener une gestion encore plus participative et humaine. La cerise sur le sundae serait d’atteindre l’autofinancement et de pouvoir étendre nos services. J’aimerais que nous puissions offrir une plus grande contribution aux autres organismes. Nous avons peut-être des outils comme des formations qui pourraient servir ailleurs. Et finalement, si nous pouvions paraître plus sexy auprès de partenaires potentiels... Des femmes qui ont de la difficulté et qui, par-dessus le marché, sont judiciarisées, ce n’est pas ce qui attire le plus. Ces femmes ont des besoins tellement importants. Nous devons continuer à démystifier et à sensibiliser le public à la nécessité de soutenir leur démarche de réinsertion sociale. Elles ont besoin de notre aide et c’est notre devoir de leur offrir. »

S’il ne cherche pas les projecteurs et qu’il avoue ne pas être l’aise lorsqu’il est porté à l’avant-plan, il admet tout de même tirer plaisir des marques de reconnaissance qu’il reçoit. « Il y a quelque temps, lors d’un événement j’ai été présenté comme un homme de coeur. D’ailleurs, lorsque le centre m’a honoré à l’assemblée générale, ces mots étaient gravés sur la montre que j’ai reçue. Je suis assez fier de cette image. Ça, c’est ma gloire ».