Revue Porte Ouverte

Employabilité et réinsertion sociale

Par Andrée Dolan,
Avocate au bureau Michel Cossette, Avocats

Un chemin de dignité : Certains aspects légaux du processus d’embauche

Lorsque vient le temps d’embaucher de nouveaux employés, l’employeur collecte plusieurs renseignements personnels sur les candidats, notamment par l’entremise du curriculum vitae, du formulaire de demande d’emploi et de l’entrevue de sélection. Quels renseignements l’employeur est-il en droit de demander et quelle vérification peut-il faire afin de confirmer ces informations ?

La collecte de renseignements personnels

La collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels sont réglementées par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (L.R.Q. c. P-39.1). Selon cette loi, est un « renseignement personnel » tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l’identifier. Les organismes publics sont quant à eux soumis à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1).

Afin de déterminer quels renseignements l’employeur peut collecter, il faut que l’information recherchée remplisse deux critères : la nécessité et la légitimité. Le critère de nécessité vise à empêcher l’obtention d’information qui ne serait pas pertinente à l’emploi. Quant à la légitimité, ce critère vise à assurer que les renseignements sont recueillis par des moyens licites (ex. par des questions non discriminatoires).

La collecte d’information doit se faire, de préférence, auprès du candidat. Toutefois, des renseignements peuvent être obtenus d’un tiers, si le candidat a préalablement consenti à une telle collecte. Des consentements doivent donc être obtenus pour vérifier les références, obtenir des renseignements médicaux, vérifier les informations fournies
sur la demande d’emploi, etc.

Choisir un employé consiste inévitablement à faire une certaine discrimination puisque les critères de sélection ont a priori un effet discriminatoire. Toutefois, l’employeur doit pouvoir démontrer que les critères de sélection sont requis par les exigences réelles du poste et fondés sur les aptitudes ou qualités requises par l’emploi.

L’obtention de renseignements auprès d’un tiers est possible, sans le consentement préalable du candidat, lorsque la cueillette auprès de ce tiers est nécessaire pour s’assurer de l’exactitude des renseignements, sans qu’elle n’entraîne toutefois l’obtention de nouveaux renseignements personnels. La vérification sert à confirmer ou infirmer les renseignements qui ont été obtenus du candidat. Le tiers doit donc répondre par vrai ou faux à la demande puisque si de nouvelles informations étaient transmises, il faudrait s’assurer d’avoir obtenu au préalable le consentement du candidat.

Les examens médicaux et les tests de dépistage

En vertu de son droit de gérance, un employeur a le droit d’exiger des examens médicaux et des tests de dépistage afin de s’assurer que le salarié embauché sera effectivement en mesure d’effectuer les tâches reliées à son emploi, sans risque pour sa propre santé ou celle de ses collègues de travail.

Quant aux tests psychologiques, notamment les tests de personnalité, c’est le caractère très personnel de certaines questions qui pourrait porter atteinte aux droits des candidats, notamment à la protection de la vie privée. Afin de limiter les risques de discrimination et de prévenir les incursions dans la vie privée, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a émis certaines recommandations disponibles sur leur site internet.

Discrimination

Chaque employé a le droit de ne pas être victime de discrimination dans son emploi. L’interdiction de discriminer s’étend aussi aux étapes de l’embauche, notamment aux formulaires de demande d’emploi, aux entrevues de sélection et à tout autre document servant à évaluer la candidature.

Choisir un employé consiste inévitablement à faire une certaine discrimination puisque les critères de sélection ont a priori un effet discriminatoire. Toutefois, l’employeur doit pouvoir démontrer que les critères de sélection sont requis par les exigences réelles du poste et fondés sur les aptitudes ou qualités requises par l’emploi.

Les motifs de discrimination interdits par la Charte sont notamment la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier à ce handicap et les antécédents judiciaires.

Les « entreprises » réglementées au niveau fédéral sont soumises à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R., 1985, ch. H-6) (LCDP) qui interdit également, notamment au moment de l’embauche, toute discrimination fondée sur des motifs similaires à ceux prévus à la Charte.

Les antécédents judiciaires

L’article 18.2 de la Charte énonce que « nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon ». Qui est protégé par l’article 18.2 ? Certains prétendent que seules les personnes déclarées coupables sont visées par la Charte alors que d’autres prônent une interprétation large et libérale qui inclurait notamment un accusé qui demeure dans l’attente de son procès ou qui a été déclaré innocent suite à un procès. En attendant que les tribunaux tranchent la question, il est recommandé d’appliquer cet article au maximum de personnes qui pourraient être protégées.

Afin d’évaluer le lien entre l’emploi et l’infraction, les tribunaux ont établi que la détermination de ce lien était une question de fait et qu’en conséquence, deux éléments devaient être pris en considération : la nature de l’emploi et la nature de l’infraction commise. Certaines décisions ont fait ressortir des caractéristiques intrinsèques à des types d’emploi comme éléments justifiant le refus d’embaucher un individu ayant des antécédents judiciaires. Par exemple :

  • Le rôle social lié à certains emplois (ex. enseignement);
  • Le fait que l’emploi s’exerce auprès d’une clientèle vulnérable (ex. gardien d’enfants);
  • Les standards de « tolérance zéro » et de rigueur liés aux emplois de représentants des forces de l’ordre (ex. policier).

Les « entreprises » fédérales, quant à elles, sont soumises à la LCDP qui interdit toute discrimination fondée sur l’état d’une personne qui a obtenu sa réhabilitation, notamment dans le formulaire de demande d’emploi, la publication d’une annonce et lors des diverses étapes menant à l’obtention d’un emploi. Comme au provincial, ne sont pas considérés comme des actes discriminatoires les refus, exclusions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui découlent d’exigences professionnelles justifiées.

La Loi sur le casier judiciaire (L.R., 1985, ch. C-47), qui est applicable au niveau fédéral seulement, prévoit que « nul ne peut utiliser ou permettre d’utiliser une demande d’emploi comportant une question qui, par sa teneur, obligerait un réhabilité à révéler une condamnation visée par une réhabilitation […] contenue dans un formulaire ayant trait » à l’emploi dans un ministère, auprès d’une société d’État, à l’enrôlement dans les Forces canadiennes ou à l’emploi dans une entreprise qui relève de la compétence législative du Parlement ou en rapport avec un ouvrage qui relève d’une telle compétence. Cette loi prévoit toutefois une exception concernant la condamnation pour des infractions sexuelles spécifiques à l’égard de laquelle il a été octroyé ou délivré une réhabilitation. Un corps policier doit, à la demande d’un employeur, vérifier si la personne qui postule à un emploi, rémunéré ou à titre bénévole, fait l’objet d’une indication permettant de constater qu’il existe une telle condamnation lorsque d’une part, l’emploi placerait le postulant en situation d’autorité ou de confiance par rapport à des enfants ou des personnes vulnérables; d’autre part, celui-ci a consenti par écrit à la vérification.

Recours en cas de discrimination

Un candidat qui croit avoir été victime de discrimination fondée sur la Charte peut déposer une plainte à la CDPDJ qui sera évaluée par des enquêteurs. Si la CDPDJ décide que la plainte est sérieuse, un avocat payé par le gouvernement sera chargé de représenter le plaignant devant le tribunal des droits de la personne. Si la CDPDJ juge que la plainte n’est pas sérieuse, le plaignant qui désire aller tout de même de l’avant avec sa plainte, devra, à ses frais, poursuivre l’employeur prétendument délinquant. Dans tous les cas, l’employeur devra assumer les frais de sa défense.

Un candidat qui croit avoir été victime de discrimination fondée sur la LCDP lorsqu’elle s’applique à l’employeur en défaut, peut déposer une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne dans un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée. La CCDP fera alors enquête et déterminera si la plainte est sérieuse et de sa compétence. Les plaintes sérieuses et pour lesquelles la CCDP est compétente seront alors soumises au Tribunal canadien des droits de la personne pour audition.

Conclusion

Dans le cadre du processus d’embauche, l’employeur doit donc s’assurer que les informations qu’il désire obtenir des candidats sont nécessaires soit parce qu’elles sont pertinentes à l’emploi, soit parce qu’elles permettent d’évaluer les qualités et les compétences des candidats. En cas de doute quant à la nécessité des renseignements, il est préférable de s’abstenir de tenter de les obtenir. De plus, l’employeur doit s’assurer que les moyens qu’il utilise pour les obtenir sont licites.

Quant à la vérification des renseignements effectuée par des tests ou par l’entremise de tiers, il est préférable d’obtenir, par écrit, un consentement spécifique du candidat.