Revue Porte Ouverte

Les femmes délinquantes sont-elles laissées pour compte?

Par Maurice Cusson,
Montréal HMH, collection droit et Criminologie, 2005, 226 p

La délinquance, une vie choisie : entre plaisir et crime

Je ne résumerai pas l‘analyse de Cusson, car elle est classique. Elle comporte un aspect intéressant dans le fait qu’il fait le point sur une partie des données disponibles. Ce qui me chicote est son approche étroite et limitative. Elle me fait penser à l’analyse qu’a faite Frégier (1840) au 19e siècle, dans son célèbre mémoire intitulé «Des classes dangereuses de la population dans les grandes villes». En effet, comme Frégier, il ne prend en compte qu’une partie de la réalité, c’est-à-dire qu’il fait totalement abstraction des comportements et des motivations des nantis de la société. La délinquance à laquelle il fait référence se limite à ce que l’on nomme la criminalité traditionnelle. Il n’est pas interdit d’en traiter, mais il aurait été intéressant de bien spécifier que cette analyse concerne une catégorie spécifique de ceux qui transgressent les lois et les valeurs communément partagées.

Pour soutenir son analyse, Cusson note que «durant la deuxième moitié du 20e siècle, la quasi-totalité des vols ont été discrètement dépénalisés… Malgré tout, persiste l’illusion voulant que la répression des délits contre la propriété relève de la responsabilité de la police et de la justice. Mais l’on y croit de moins en moins : dans les entreprises et les commerces, pour se protéger contre le vol, on s’en remet à la sécurité privée et à la prévention situationnelle, non au système pénal» (p. 77). Cet exemple est instructif parce qu’il nous permet de mettre en évidence qu’en effet, la publicité trompeuse n’a jamais été criminalisée. On peut émettre l’hypothèse suivante : dans certains cas, elle assure le financement de la sécurité privée engagée pour prévenir le vol à l’étalage.

Cet exemple, montre que le pénal choisit ses proies, non en fonction des valeurs, mais plutôt en regard du rapport de force avec l’État qui promulgue le pénal.

Pour justifier son analyse, Cusson signale que «la volonté de punir n’est pas au rendez-vous» (p. 79). C’est vrai qu’elle est moins systématique qu’autrefois en ce qui concerne une partie de la criminalité traditionnelle, mais elle n’a jamais existé pour certains types de comportement : pensons au scandale des commandites. À qui a profité le crime? Qui le pénal stigmatise-t-il? Le bouc émissaire ou le politique?

Parmi les constatations, Cusson répète que «ce sont des carences éducatives qui sont les vrais facteurs de la délinquance et non la pauvreté en tant que telle» (p. 145). Il répète parce que Frégier (1840) et Quetelet (18) ont déjà signalé à leur époque l’importance d’assurer l’éducation de tous et chacun. Par conséquent, une fois le constat repris, il faut s’interroger encore une fois sur les raisons qui pourraient expliquer que l’État se refuse systématiquement à assurer une éducation et une instruction de qualité aux populations les plus démunies?

Dans sa conclusion, Cusson estime que les conditions qui influent sur le choix d’un mode de vie délinquant «tiennent d’abord au contexte éducatif, social, pénal et économique dans lequel se trouve l’acteur» (p. 182). Finalement, rien de nouveau depuis le 19e siècle.


(1) Jean Claude Bernheim et Karine Cyr. Le harcèlement psychologique comme crime d’État, Montréal,
Cursus universitaire, 2003, 139 p.
(2) disponible sur internet