Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par David Henry,
ASRSQ

Impacts du casier judiciaire : un fardeau à supporter collectivement

Le jeudi 29 avril dernier se tenait à Montréal, le lancement du mémoire sur les impacts du casier judiciaire. Ce mémoire rédigé par Jean-Claude Bernheim, criminologue, est le fruit d’une collaboration de quatre années entre le Comité consultatif clientèle judiciarisée adulte (CCCJA) et l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec. La recherche initiée par le CCCJA vise à sensibiliser et à informer toutes les personnes confrontées aux difficultés que vivent les personnes judiciarisées et particulièrement par rapport à l’emploi. 

Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), plus de quatre millions de Canadiens ont un casier judiciaire, ce qui représente 15 % de la population canadienne. Les personnes qui possèdent un casier judiciaire éprouvent souvent des ennuis à se trouver un emploi et un logement, souscrivent malaisément à une police d’assurance et parviennent difficilement à traverser les frontières canadiennes. De plus, les impacts du casier ont des répercussions insoupçonnées sur les proches des personnes judiciarisées, notamment au niveau des assurances. Quand on sait que le casier judiciaire n’est jamais supprimé avant l’âge de 80 ans, quelle que soit l’infraction commise, M. Michel Monette directeur général de Via-Travail Inc. et président du CCCJA, s’interroge : «  est-ce que la personne doit être stigmatisée sa vie entière? C’est ce genre de question et de débat que nous voulons susciter parmi la population, c’est l’objectif du projet ».

Au cours des dernières années, de nombreuses présentations ont eu lieu dans différentes régions au Québec pour présenter les impacts du casier judiciaire. Le commandant de bord Robert Piché s’est rapidement joint au projet et livre un puissant témoignage puisqu’il lui arrive encore à l’occasion de ressentir les impacts négatifs d’avoir un casier et ce 25 ans après avoir été libéré et malgré son statut social. Le commandant Piché préface d’ailleurs le mémoire. Jean-Claude Bernheim rappelle que la population est mal informée sur le casier judiciaire et sur le phénomène de la criminalité en général. Selon lui, « on assiste à une baisse importante de la criminalité depuis plusieurs années mais malgré cela, la population a tendance à se sentir de moins en moins en sécurité. Ce phénomène est directement en rapport avec le discours alarmiste du gouvernement conservateur et va à l’encontre des faits ».

D’ailleurs, le criminologue constate que lorsqu’on soumet un cas détaillé aux citoyens leur présentant les faits qui entourent un délit, ceux-ci imposent généralement une peine moindre que celle des tribunaux. Il en va de même pour le casier judiciaire : lorsque le public est informé, il trouve la plupart du temps ses impacts exagérés. Il faut d’ailleurs rappeler que le problème du casier judiciaire n’est pas un problème individuel qui concerne uniquement les personnes judiciarisées mais qu’il s’agit bien d’un problème social qui touche l’ensemble de la société, rappelle Michel Monette.

De nombreux mythes subsistent au sujet de la demande de pardon et M. Bernheim rappelle que le pardon n’efface pas le casier judiciaire. « En fait, le pardon tel qu’il est délivré actuellement ne permet pas d’aider la personne à réintégrer la communauté puisqu’il est accordé seulement trois ou cinq ans après la fin de la sentence. Le pardon ne fait que confirmer la réinsertion sociale de l’individu ».

Plusieurs recommandations à la fin du mémoire ont pour but de supprimer, ou du moins d’atténuer, les impacts du casier judiciaire afin de favoriser la réinsertion sociale des personnes judiciarisées, sans négliger pour autant les aspects touchant la sécurité publique et les droits des victimes. Il est proposé que le casier judiciaire soit supprimé et détruit après un certain délai comme c’est le cas en France ou en Belgique par exemple. Il est aussi proposé, entre autres, que le pardon puisse être accordé à la fin de la sentence, de restreindre l’accès aux informations liées au casier et de faire en sorte que le pardon canadien soit reconnu par les autorités américaines et mexicaines.
Le mémoire est disponible sur le site internet de l’ASRSQ ainsi que sur le site www.casierjudiciaire.ca.