Bien que la réussite de la réinsertion sociale d’une personne judiciarisée repose sur un ensemble de facteurs, l’employabilité constitue un élément particulièrement déterminant. L’occupation d’un emploi assure non seulement une stabilité financière, mais également le développement de compétences tant professionnelles que personnelles. L’acquisition d’une routine de travail, l’amélioration de l’hygiène de vie, l’accroissement du réseau social ainsi que de l’estime de soi sont des effets directs de l’insertion en emploi. Toutefois, nombreux sont les défis qui se dressent sur la route de l’employabilité des individus ayant eu des démêlés avec la justice.
Les démarches de recherche d’emploi des individus judiciarisés sont facilitées par l’actuelle situation de plein emploi. Certains employeurs, face à la pénurie de main-d’œuvre, démontrent une plus grande ouverture face aux candidats aux prises avec des antécédents judiciaires. Or, certaines entreprises en milieu industriel qui exportent une partie ou l’entièreté de leur production peuvent être soumises aux obligations liées aux normes et certifications. Les entreprises canadiennes qui y adhèrent sont avantagées entre autre par une diminution des inspections effectuées lors des passages aux douanes américaines. Dans l’idée de « sécuriser » la chaîne d’approvisionnement, les candidats ayant des antécédents judiciaires sont discriminés en raison de ces ententes canado-américaines. Plusieurs autres domaines d’emploi sont aussi inaccessibles, notamment dans les milieux où un contact avec une clientèle vulnérable est possible, dont l’intervention, l’éducation et la santé.
Il est aussi fréquent que les impacts de la judiciarisation se fassent sentir même si les accusations portées ne sont pas soldées par une condamnation. En effet, si un chef d’accusation est retiré ou que l’individu est acquitté, une trace de son passage dans le système judiciaire demeure au plumitif. De plus, la médiatisation et le caractère public du système judiciaire peut avoir pour effet d’ostraciser les personnes judiciarisées. À l’ère des réseaux sociaux, les informations circulent à une vitesse effarante et les spéculations quant aux événements passés sont malheureusement choses courantes. Dans ce contexte, même les individus mineurs, dont l’identité devrait être protégée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA), se retrouvent parfois confrontés à l’opinion publique. Le vase clos qu’est une école secondaire constitue un terreau fertile pour la propagation de rumeurs, qu’elles soient fondées ou non.
Une augmentation de la cybercriminalité est observée depuis quelques années, notamment en raison de l’éclosion des réseaux sociaux et l’accès à internet. Le harcèlement, le leurre informatique, la pornographie juvénile sont des délits qui sont fréquemment observés. Comme l’acceptabilité sociale face à certaines de ces infractions est faible, une discrimination envers les candidats ayants ce type de délits inscrits à leur dossier est fréquemment exercée et ce, même si la nature du délit n’est pas en lien avec l’emploi.
Le maintien en emploi demeure également un défi de taille pour la clientèle judiciarisée, qui peut présenter diverses difficultés tant au niveau de l’apprentissage que de la capacité d’adaptation et des relations interpersonnelles. L’accompagnement et le soutien d’intervenants en réhabilitation sociale constitue alors un apport majeur dans la réussite professionnelle. Il est dommage toutefois que plusieurs organismes non spécialisés s'improvisent experts, car la conséquence de services non adéquats peut avoir une incidence majeure sur la récidive criminelle de ces personnes. "Tel que nommé en 1973 par des détenus visités par Monsieur Normand Guay, fondateur du Centre de main-d’œuvre OPEX, «[…]avoir l’aide nécessaire pour obtenir un emploi, cela fait toute la différence entre rester dehors ou retourner en dedans.»
