Revue Porte Ouverte

Quelle place pour les victimes dans le système de justice?

Par Patrick Altimas,
Directeur général, ASRSQ

À quoi sert la mise en opposition des droits?

Ce numéro de Porte ouverte porte sur les victimes dans le système de justice pénale et souligne également le 30e anniversaire d'un organisme phare en matière de défense des droits des victimes d'actes criminels et de promotion de services adaptés à leurs besoins particuliers, l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV). Nous avons vu comment, depuis quelques décennies, les droits des victimes ont été instrumentalisés à des fins partisanes par les partis politiques. Cela en amène plusieurs à opposer droits des accusés ou des personnes contrevenantes à ceux des victimes d'actes criminels. Doit-on réduire les uns pour améliorer les autres? Plusieurs intervenants croient qu'une telle position ne sert les intérêts ni des victimes ni des personnes contrevenantes.

Il est indéniable que les victimes d'actes criminels ont été longtemps tenues à l'écart des processus judiciaires et correctionnels. De façon plus importante, leurs besoins en matière de services ont longtemps été ignorés. C'est grâce à des figures pionnières au Québec comme Micheline Baril et Arlène Gaudreault que la situation des victimes d'actes criminels a pu s'améliorer et que leurs besoins ont pu demeurer à l'avant-plan des enjeux en matière de justice pénale.

L'Association des services de réhabilitation sociale du Québec reconnaît la nécessité d'un équilibre entre les droits des victimes et ceux des personnes contrevenantes. Nous croyons aussi que le crime marque un conflit social qui devrait idéalement trouver sa résolution dans un processus de réconciliation. Cette notion de réconciliation devrait davantage faire partie du discours des intervenants dans le système de justice pénale plutôt qu'une trop grande insistance sur des notions comme la punition, la dissuasion, la vengeance ou la rétribution. Pour qu'il y ait réconciliation, cela signifie qu'il y a reconnaissance de la présence d'une victime et non seulement d'un contrevenant. Cette approche nous apparaît beaucoup plus prometteuse que celle axée sur la répression et la punition, comme si c'était la seule façon de «réconforter» les victimes.

Les victimes exigent-elles vraiment et unanimement une approche «tough on crime»? En quoi cette orientation vient-elle en aide aux victimes qui ont souvent besoin de services d'accompagnement et de soutien pour faire face aux torts causés et aux traumatismes vécus lors de la perpétration du délit? Nous nous permettons de douter de l'efficacité de l'approche «tough on crime» par rapport aux besoins des victimes. Au-delà d'un désir de vengeance tout à fait humainement légitime, tout être humain a surtout besoin de comprendre, de se sentir écouté et utile et de sentir qu'il y a espoir de réparation ou de réconciliation lors de situations de conflit.

Ce numéro consacré au rôle des victimes dans le système de justice pénale présentera différents points de vue, pas nécessairement tous car certains ont décliné notre invitation à présenter le leur, qui, nous l'espérons contribueront positivement à alimenter un débat essentiel et nécessaire. Nous nous permettons d'espérer que nos lecteurs sentiront le besoin de nous faire parvenir leurs réactions suite à la lecture de ce numéro. Nous nous ferons un plaisir de poursuivre le débat dans les numéros subséquents de Porte ouverte en publiant certaines de vos réactions. Nous rêvons d'un débat qui ne met pas en opposition victimes et personnes contrevenantes et qui reconnaîtrait que les droits des victimes, pour être reconnus, n'ont pas à menacer ceux des accusés et des personnes contrevenantes.