Revue Porte Ouverte

Les ressources humaines dans les organismes communautaires

Par Patrick Altimas,
Directeur général, ASRSQ

Le réseau communautaire et les ressources humaines

Nous vivons actuellement des années présentant des défis énormes par rapport au secteur des ressources humaines, tant au niveau du recrutement que de la rétention. Et cela ne se limite pas seulement au secteur de la justice et des services correctionnels. Il suffit de lire les journaux pour constater que, dans le domaine de la santé et des services sociaux, la plupart des établissements de ce réseau vivent une période inquiétante de pénurie de personnel. La mise à la retraite massive des années 90 de plusieurs professionnels a certes contribué à créer ce phénomène, mais il ne s’agit pas de la seule explication, puisqu’on retrouve le même phénomène chez bon nombre d’employeurs qui n’ont pas connu cette situation. En effet, il n’est pas rare, aujourd’hui, de voir des affiches ornant les édifices de compagnies annonçant : «Nous embauchons».

J’ai comme une impression de déjà-vu lorsque je regarde la situation des diplômés d’aujourd’hui. En effet, au moment de l’obtention de mon diplôme - soit, je dois l’avouer, en 1974 - les finissants en criminologie avaient l’embarras du choix en ce qui a trait aux emplois disponibles et au lieu de ces emplois. J’étais alors à Ottawa : nous étions courtisés par divers employeurs de plusieurs provinces pour venir travailler chez eux. Eh bien, 35 ans plus tard, tous ces travailleurs sont maintenant au bord de la retraite ou y sont déjà - et ce en même temps. Voilà un facteur extrêmement important affectant le marché du travail, soit le départ massif d’employés d’expérience. Le SCC, par exemple, selon les derniers estimés obtenus, s’attend à voir partir 40 % de ses effectifs d’ici les cinq prochaines années et cela vient à la suite du départ déjà de bon nombre d’employés vers la retraite durant les cinq dernières années.

Cela s’annonce donc très bon pour les finissants des différents programmes d’études menant à une carrière dans le domaine de la justice et des services correctionnels, mais pose un défi majeur pour les employeurs de ces secteurs, qui se retrouvent maintenant en situation de compétition les uns avec les autres en vue d’attirer les meilleurs candidats disponibles. Si tous ces employeurs «jouaient» à armes égales par rapport aux conditions de travail offertes, ce ne serait pas trop inquiétant, mais cela n’est absolument pas le cas. Et, dans ce domaine, le réseau communautaire - ne pouvant se permettre d’offrir des conditions de travail comparables à celles offertes par les réseaux publics et institutionnels - se trouve dans une nette situation de désavantage.

C’est pourquoi le conseil d’administration de l’ASRSQ a placé la question des ressources humaines comme une priorité pour les années à venir et a constitué, en 2008-2009, un comité touchant les ressources humaines dans le réseau. Le premier mandat de ce comité sera de dresser un portrait des conditions de travail dans les maisons de transition, dans un premier temps, en vue de pouvoir comparer la situation avec le réseau public. De plus, l’équipe de rédaction du Porte ouverte a décidé de consacrer ce numéro à la question des ressources humaines.

La situation actuelle pose des défis non seulement sur le plan du recrutement et de la rétention du personnel, mais aussi au niveau de ce que l’on pourrait surnommer «la perte de la mémoire collective». En effet, avec le départ massif d’intervenants et gestionnaires d’expérience s’envole également une certaine capacité à se rappeler, et donc à comprendre, d’où nous sommes partis. Les nouveaux gestionnaires risquent de se retrouver dans des situations où ils ne pourront pas s’appuyer, pour prendre certaines décisions, sur l’expérience de leurs aînés ou sur une compréhension des éléments historiques permettant de ne pas répéter les erreurs du passé. Pour le réseau communautaire, cette situation commence déjà à poser des défis importants en matière de communications et de reconnaissance. Presque tous nos interlocuteurs des 25 dernières années, lesquels ont partagé avec nous les combats menés pour acquérir la reconnaissance du réseau communautaire, sont maintenant partis.

Le présent numéro du Porte ouverte, vous l’aurez compris, se veut donc une occasion pour prendre conscience des défis qui nous attendent en matière de ressources humaines, pour alimenter la réflexion autour des enjeux que présente la situation actuelle et pour nourrir les nombreux débats qui seront initiés dans les années à venir.